Chers lecteurs et chères lectrices, je reviens vers vous cette semaine dans le seul but de se faire plaisir. Mais attention pas n'importe comment ! Non, pas le plaisir vulgaire, basique relevant des bas instincts de l'être humain. Pas non plus le plaisir superficiel de la fièvre acheteuse, de la pure consommation de masse guidée par le seul fait de posséder. Cette semaine, nous serons des gens distingués comme le furent ceux de la belle époque (années 1900), versant bon gré mal gré dans l'alcoolisme mondain et dans l'univers enchanteur de la Fée Verte.
Les connaisseurs l'auront compris, cette semaine l'absinthe est à l'honneur. Aaah l'absinthe... Elle aura fait couler pas mal d'encre et de bouteilles en son temps. Tantôt adorée, tantôt fustigée, peu de produits auront fait débat comme elle l'a fait. Mais avant de devenir la star parisienne, c'est dans le Doubs, au bas des contreforts du Jura, qu'elle fut crée par le Docteur Pierre Ordinaire selon la sagesse populaire, puis en Suisse où elle fut produite commercialement. Boisson médicinale destinée à soigner les maux de tête, les calculs rénaux et autres coliques, ce n'est que vers les années 1900 qu'elle devint l'apéritif de référence de la classe bourgeoise tout d'abord, puis de l'ensemble des français par la suite.

Ce n'est que vers 1910, lorsque son prix chuta que l'absinthe se démocratisa (36 millions de litre par an). Faibles revenus, artistes, l'absinthe devint la boisson nationale derrière le vin qui s'inquiéta furieusement de la montée de cette enquiquineuse.

Mais le point commun aux affiches est la symbolique de la femme. Toutes les affiches d'absinthe les mentionnent, et une fois de plus, de façon peu flatteuse. Si l'on revient sur la première illustration, la femme est certes distinguées mais focalisez-vous sur le regard de l'homme qui loin d'être ravi par sa charmante compagnie, semble s'imaginer ce qu'il suivra une fois la dame un brin pompette. Dans la seconde illustration, tous les regards sont tournées vers une dame jouant de ses jupons pour attirer l'attention et se la jouant ainsi aguicheuse. Candeur tentatrice, rouquine délurée (le roux symbolisant bibliquement la couleur du diable, attribuée souvent et bien sûr à tord aux sorcières et notamment aux femmes qui détournèrent du droit chemin les hommes mariés, bien malgré eux bien entendu...). Les illustrations ci-dessous en sont la preuve flagrantes : Une nudité à peine dévoilée et une rouquine nous invitant à boire dont le bras est orné d'un bracelet en forme de serpent (Serpent + femme = Eve = salope à cause de qui nous fûmes viré du jardin d'Eden...).



C'est ainsi que l'absinthe eu cette image peu élogieuse mais qui fut en même temps son succès. Véritable traînée, les gens qui tombèrent dans ses griffes la payaient pour en recevoir ses bienfaits. Et quand l'argent vint à manquer, c'est avec indifférence qu'elle les quittaient, les condamnant à un éternel désespoir. Mais pour certains c'était déjà trop tard, l'addiction était là, et toujours ils y revenaient. C'est aussi pour cela qu'en 1915, l'absinthe fut totalement interdite de vente, moins pour ses supposés problèmes neuronaux qu'elle pouvait déclencher que l'ombre dangereuse qu'elle étendait sur le secteur vinicole. Même si la thuyone (composant de la Fée Verte) est effectivement nocive et mortelle à très fortes doses, les problèmes de santé qui secoua cette époque étaient surtout dues à la quantité gargantuesque d'alcool qui était ingurgitée. Par ailleurs, des artistes tels que Van Gogh étaient réputés comme étant marginaux, bien avant leur addiction à l'absinthe, et sa meurtrissure de l'oreille fut surtout induite par une psychose que l'absinthe ne fit qu'accentuer. Cependant, elle constitua une véritable source d'inspiration et de nombreuses natures mortes la mettant en scène virent le jour comme celle commandé par l'Absinthe Bourgeois où la couleur verte est toujours présente (comme dans les autres affiches par ailleurs).

Remarquez comment l'illustration de GEMPP PERNOD ose transmettre un message de santé avec la fumée d'une pipe à tabac (alors qu'aujourd'hui c'est plutôt ça !). De même, notez comment un artiste tel que Marilyn Manson remet en scène cette boisson, longtemps considérée comme celle du diable. Et comme j'aime souvent être son avocat, la déchéance de l'absinthe fut en réalité plus liée à des manœuvres commerciales pour préserver notre superbe patrimoine viticole, plutôt que pour sa dangerosité qui tient surtout à la quantité d'alcool que nous ingérons et ce, qu'importe le breuvage...
Pour aller plus loin :
http://art-nouveau.style1900.net/l-absinthe/
http://www.museeabsinthe.com/absintheHISTOIRE5.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Absinthe_(spiritueux)
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